Les plats emblématiques des chefs (1) : du début du XXe siècle aux années 1960

Publié le 07.11.2016 , mis à jour le 25.10.2022

Eugénie Brazier, Fernand Point, André Pic, Alexandre Dumaine : pour ces grands chefs de l’entre-deux-guerres, les produits laitiers étaient indispensables !

En France, le terroir n’a pas toujours été perçu comme un gage de qualité : jusqu’au XXe siècle, on considérait volontiers qu’il n’existait de grande cuisine qu’à Paris ! Ce n’est que dans les premières décennies du XXe siècle que les cuisines régionales gagnèrent les faveurs des gourmets, portées par le développement du tourisme et de l’automobile. Mieux encore : à partir de l’entre-deux-guerres, des restaurants situés à proximité de la mythique Nationale 7, qui relie Paris à la Méditerranée via Lyon, devinrent des temples incontournables de la gastronomie. Leurs chefs étaient alors surtout les interprètes talentueux des recettes classiques de la « douce France », et, si la cuisine se modernisait progressivement, les sauces traditionnelles au beurre et à la crème tenaient toujours le haut du pavé.

La poularde demi-deuil d’Eugénie Brazier

Une merveilleuse recette de fête… comme son nom ne l’indique pas ! La volaille demi-deuil, sommet de la cuisine lyonnaise, fut vraisemblablement formalisée par la « mère Filloux » – on appelait alors « mères » les cuisinières-restauratrices de la région de Lyon – chez qui Eugénie Brazier effectua son apprentissage. Dans cette recette qu’elle reprit dans son propre restaurant à partir de 1921, la crème fraîche exhale les arômes de la truffe et compose une sauce onctueuse et parfumée. Techniquement, des lamelles de truffe noire sont insérées sous la peau d’une poularde de Bresse – d’où la référence au deuil –, elle-même emmaillotée dans un linge puis pochée dans un bouillon de volaille. Le tout est servi avec des légumes et de la sauce suprême, réduction de bouillon enrichie de crème. En 1933, la « mère Brazier » fit partie de la première promotion de chefs à obtenir 3 étoiles dans le fameux annuaire rouge lancé en 1900, le guide Michelin.

Le gratin de queues d’écrevisses de Fernand Point

Figure glorieuse de la grande cuisine française, triplement étoilé en 1933 en même temps qu’Eugénie Brazier, Fernand Point fit de son restaurant La Pyramide, à Vienne, l’un des lieux les plus courus des grands de ce monde pendant l’entre-deux-guerres. Sacha Guitry, jamais avare d’un bon mot, disait de lui : « Pour bien manger en France, un Point c’est tout ! » Immense, charismatique et bon-vivant, il avait une devise : « Du beurre ! Donnez-moi du beurre ! Toujours du beurre ! » Pour son fameux gratin de queues d’écrevisses rouges – alors abondantes dans les eaux douces locales , il faisait étuver des écrevisses décortiquées dans du beurre et les nappait d’une réduction de vin blanc crémée. Le tout était gratiné au four. On se souvient aussi de Fernand Point pour ses engagements : pendant la Deuxième Guerre mondiale, il préféra fermer son restaurant plutôt que devoir servir l’état-major nazi.

Le boudin Richelieu, sauce écrevisses d’André Pic

Issu d’une lignée de restaurateurs, André Pic fonda la Maison Pic en 1936, à Valence, tout près de la Nationale 7. Sa carte, déjà distinguée par l’attribution de 3 étoiles au Michelin en 1934 alors qu’il était toujours aux commandes du restaurant familial, non loin d’ici, proposait les gloires de l’époque : gratin de queues d’écrevisses, chausson aux truffes, lièvre à la royale, poularde à la crème… Entre autres recettes légendaires, il légua à la postérité son interprétation personnelle de la quenelle lyonnaise : le boudin de brochet Richelieu nappé de sauce Nantua, une béchamel additionnée de crème et de beurre d’écrevisse. À noter que la petite-fille d’André Pic, Anne-Sophie Pic elle aussi triplement étoilée pour le restaurant de Valence qu’elle a repris avec brio, a récemment renommé son bistrot gastronomique André. Elle y propose des recettes de son grand-père, dont le fameux boudin Richelieu !

Le jambon du Morvan à la crème d’Alexandre Dumaine

Celui qui fut surnommé le « roi des cuisiniers » recevait régulièrement, dans son Hostellerie de la Côte d’Or à Saulieu (Bourgogne), les membres de ce que l’on appellerait bientôt la jet set européenne. Quand ceux-ci se rendaient sur la Riviera méditerranéenne ou dans les Alpes, ils n’auraient manqué pour rien au monde l’escale gourmande chez Alexandre Dumaine. Quenelles de brochet, selle de lièvre froide cuite rosée, tranchée et nappée d’une sauce poivrade, filet de sole au coulis crémeux d’écrevisse, célébrissime pâté en croûte enfermé dans sa pâte pur beurre… : le répertoire classique était poussé à son sommet, mais l’une des recettes les plus notoires du chef reste l’adaptation d’une spécialité traditionnelle du Morvan, le jambon saupiquet. Des tranches de jambon y sont poêlées puis nappées d’une réduction de vinaigre et d’aromates (poivre, échalote, genièvre, estragon), elle-même mouillée d’une sauce à la tomate puis additionnée de crème. On y goûterait volontiers !

Photo : Quenelle de brochet, sauce Nantua par Jean-Marc ALBERT via Flickr (CC BY 2.0).

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