C’est dans l’une des dernières savonneries authentiques de Marseille, celle des Goudes, qu’une collection de savons pour amateurs de fromage a été mise au point. Une idée insolite qui a pourtant déjà séduit de nombreux défenseurs de terroir et de tradition.
Le goût de l’enfance en savon
Tradition, ancrage territorial et fabrication selon des normes qualitatives strictes : les points communs ne manquent pas entre le savon de Marseille, symbole artisanal et ancestral de la capitale du Sud, et le bleu du Queyras, fromage à pâte persillée produit depuis au moins deux siècles dans les Alpes provençales. Il n’en fallait pas plus à Antoine Michel, responsable de la savonnerie des Goudes, pour imaginer une savonnette au caractère inédit. « Mes parents avaient une maison de campagne à Saint-Véran, dans les Hautes-Alpes. Nous y allions surtout l’été pour fuir la chaleur étouffante de la ville. Elle était entourée de prairies où broutaient paisiblement les Tarines et les Abondances dont le lait sert à fabriquer le bleu du Queyras. En 2012, j’ai goûté dans un restaurant une crème brûlée fromagère qui m’a beaucoup surpris : la douceur de la crème et du sucre mettait idéalement en valeur la force du persillage. J’ai tout de suite voulu essayer de transposer l’expérience dans une savonnette. »
Les clés d’une incroyable success story
Deux ans plus tard, le savon de Marseille au bleu du Queyras était né, malgré les réactions plus que réservées de l’entourage d’Antoine Michel. « On me prenait pour un fou. Mon épouse me disait que personne n’aurait envie de se laver avec un savon ne sentant pas la lavande. Pourtant, dès sa mise sur le marché, le savon au bleu du Queyras a rencontré un succès inespéré. L’association d’un fromage régional emblématique et d’un produit cosmétique simple, dont on redécouvre aujourd’hui les vertus, a beaucoup plu. Bien sûr, on a beaucoup travaillé sur les dosages et les parfums sont subtils : après sa douche, on ne sent pas le bleu ! » Effectivement, le test est saisissant : après avoir essayé le savon à la place d’un gel douche et même en guise de shampoing, l’impression est douce et lactée, mais avec une sensation énergique, presque virile. À bien y réfléchir, la performance n’est pas si étonnante, car le coup de génie de Antoine Michel, c’est d’avoir associé le bleu avec une touche de miel : non seulement ce dernier adoucit la peau, mais il rappelle le mariage irrésistible entre fromages à pâte persillée et accompagnements sucrés.
Et ensuite ?
Le procédé de fabrication respecte la recette du véritable savon de Marseille (avec notamment 72 % d’huile au minimum et une cuisson au chaudron), ajoutant simplement des produits aromatiques et naturels selon un dosage tenu secret. Alors que le savon de Marseille, auréolé de son image de « slow cosmétique », séduit même dans le secteur du luxe, une grande chaîne de parfumerie a décidé de commercialiser les savons d’Antonin Michel au bleu du Queyras. Par ailleurs, dès septembre 2017, la savonnerie des Goudes sortira des frontières provençales avec de nouvelles savonnettes cubiques parfumées aux fromages de France. « Nous gardons quelques surprises, mais je peux d’ores et déjà vous dire que nous avons prévu un savon de Marseille au camembert et gelée de pommes normandes, et un autre, plus exotique, au munster et litchi de l’île de la Réunion. Mon préféré reste toutefois le savon de Marseille au brie de Meaux, un fromage produit dans l’est du bassin parisien : de quoi réconcilier définitivement les supporters de l’OM et du PSG ! »
> À dénicher dans les boutiques de la savonnerie des Goudes, en droguerie et dans certaines AMAP.
Bien sûr, cette savonnette décoiffante était un poisson d’avril et nous sommes sincèrement désolés de décevoir ceux qui se réjouissaient de prendre une douche au bleu. Ce qui est vrai, en revanche, c’est que les produits laitiers peuvent tout à fait être utilisés en guise de produits de beauté !
Crédit photo : savon de Marseille by ironpoison via Flickr (CC BY-NC 2.0).