Non, les fruitières n’ont rien à voir avec les fruits ou les arbres fruitiers ! Dans l’univers des produits laitiers, ce mot désigne des fromageries traditionnelles de montagne dans lesquelles plusieurs producteurs locaux mettent en commun le lait de leur troupeau pour le transformer en fromage.
La fruitière, une fromagerie artisanale et coopérative
Il existe plusieurs pistes pour expliquer l’origine du mot « fruitière ». L’une d’entre elles rend parfaitement compte de la dimension coopérative de ce type de fromagerie : la fruitière est un lieu où les paysans mettent en commun le fruit de leur travail, en l’occurrence le lait, afin de le faire fructifier à travers la fabrication d’un fromage artisanal de grande taille.
Les fruitières ont donc pour objectif de proposer un lieu de transformation mutualisé aux producteurs de lait des fermes avoisinantes, situées dans une zone géographique réduite. Le comté, par exemple, est fabriqué (mais pas affiné) dans des fruitières dont l’aire de collecte ne peut excéder 25 km autour de l’atelier. À noter que la pastille verte de caséine qui marque tous les comtés, véritable carte d’identité du fromage, permet grâce à un code spécifique d’identifier la fruitière dans laquelle il a été fabriqué.
Les fruitières, une histoire ancienne
Nées au XIIIe siècle dans des villages du Jura, les fruitières se développèrent surtout à partir du XVIIIe siècle. Leur organisation, au départ archaïque, se structura progressivement pour atteindre un remarquable degré d’efficacité. Des fruitières se mirent aussi en place dans les Vosges et les Alpes, en particulier en Savoie.
Il s’agissait surtout, autrefois, d’un moyen de stocker le lait riche et abondant de l’été pendant les rudes mois d’hiver, par le biais de grosses meules de fromage à pâte pressée cuite se conservant longtemps et se bonifiant avec le temps (on parle encore de fromages « de garde »). Un élevage de porcs était souvent associé à la fruitière : les animaux étaient nourris avec le lactosérum issu de la coagulation du lait. Il s’agissait enfin d’un lieu de rencontre et de convivialité pour les paysans.
Aujourd’hui, les fruitières sont encore courantes dans le Jura, en particulier pour la fabrication du comté, et en Savoie, où on y élabore le beaufort. La survie de ce système dynamique et original doit beaucoup aux filières AOP, particulièrement attachées aux modes de fabrication traditionnels des fromages au lait cru.