À l’occasion des grandes vacances, nous vous proposons de partir à la découverte de spécialités traditionnelles des régions françaises : pour des raisons historiques et gustatives, les produits laitiers y sont très souvent très présents. Après le gâteau battu, la tarte au sucre et le macaron, cap vers le Sud-Ouest, où le millas, sorte de polenta locale, met souvent en scène lait et beurre, voire crème dans ses versions les plus modernes.
La polenta du Sud-Ouest
Le millas désigne une spécialité répandue dans tout le Sud-Ouest. Dans l’esprit de la bouillie de polenta, il se compose tout simplement de farine de maïs cuite avec du liquide. La préparation se fige en refroidissant, avec une texture plus ou moins lisse ou granuleuse. L’Inventaire du patrimoine culinaire de la France, Midi-Pyrénées (éd. Albin Michel) précise que la recette traditionnelle comprend de la farine de maïs, du sel, de la graisse d’oie, de porc ou de canard, mais que dans la région de Toulouse, la farine de maïs est souvent coupée avec de la farine de froment. Quant aux Pyrénéens, ils préparent fréquemment le millas avec du lait, qui donne au mélange une texture plus moelleuse et une saveur très douce.
Quand les élites revisitaient le millas avec du beurre
Le millas était autrefois préparé avec de la farine de millet, mais très vite, les populations locales la remplacèrent par de la farine de maïs, céréale découverte par les conquistadores à la fin du XVe siècle et présente dans le Sud-Ouest de la France dès le XVIe siècle. Il s’agissait alors d’un plat populaire, nourrissant et bon marché. À la fin du XVIIIe siècle, Antoine Augustin Parmentier décrit dans Le maïs ou blé de Turquie, apprécié sous tous ses rapports (1784) la millasse ou cruchade, indiquant que cette bouillie « constitue une partie de la nourriture des habitants de la campagne. Ils y font entrer tantôt du lait ou du beurre, tantôt de la graisse d’oie ou de porc. » Il ajoute toutefois que « les gens riches ont trouvé aussi le moyen de faire, avec la millasse, des mets de fantaisie, en divisant les tranches par petits morceaux carrés, les faisant réchauffer dans une friture de beurre ou de graisse, et les saupoudrant avec du sucre. » On les comprend !
Du millas au millassou
Encore très présent aujourd’hui dans le Sud-Ouest, le millas peut être dégusté salé, poêlé dans du beurre et accompagné d’un plat un sauce (un délice avec des champignons à la crème !). On parle plus volontiers de millassou quand le millas est servi sucré, sous forme de gâteau au lait et aux œufs (un peu comme un far ou un gâteau magique), ou poêlé dans du beurre et caramélisé avec du sucre comme dans la description de Parmentier. Le dessert gagne ses lettres de noblesse avec le chef Julien Duboué, natif des Landes, qui a fait du maïs Grand Roux basque l’ingrédient phare de son restaurant Corn’r (Paris 1er). Pour le millassou de son livre Sud-Ouest, un concentré de convivialité en 80 recettes (Ducasse Édition), il confectionne une bouillie à base de farine, lait, crème, jus d’agrumes, armagnac et sucre. Les bâtonnets figés sont dorés et servis avec une confiture de vieux garçon (fruits séchés marinés dans un sirop à l’armagnac). À ne pas confondre avec le milhassou ou mounassou corrézien, qui désigne un gâteau de pommes de terre !
Crédit photo : Millas par Sophie, Dans la cuisine de Sophie, https://danslacuisinedesophie.blogspot.fr/2011/07/millas.html (CC BY-NC-ND 2.0 FR).